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Mission d’information "Afghanistan et équilibre géopolitique régional"

25 propositions pour l’Afghanistan

 

La commission des affaires étrangères a nommé, en octobre 2008, MM. Jean Glavany et Henri Plagnol pour mener une mission d’information sur l’environnement géopolitique de l’Afghanistan. Soucieuse de dessiner un chemin pour la paix dans la région, la mission a émis 25 propositions concrètes.

Proposition n°1 : Accompagner l’intervention de nos forces armées en Afghanistan d’un discours public à usage national et international, articulé comme suit :
-  nous ne sommes pas une force d’occupation et nos soldats n’ont pas vocation à rester éternellement en Afghanistan. Nous partirons dès que l’Afghanistan ne sera plus un sanctuaire du terrorisme international.
-  nous ne sommes pas, non plus, en croisade contre l’Islam. Celui-ci est la deuxième religion de France et la République laïque en protège le libre exercice.
-  nous sommes en Afghanistan pour aider ce pays et ce peuple ami à construire son avenir sur la paix, la démocratie et le développement.

Proposition n°2 : Aucun calendrier de retrait de nos troupes, ne peut être annoncé sauf dans le cadre d’un règlement de paix négocié.

Proposition n°3 : Adresser un message, au sein de l’ISAF aux forces armées américaines afin d’éviter absolument les bombardements "aveugles" qui font tant de victimes civiles et qui provoquent un sentiment de révolte et de rejet à l’égard des forces de la coalition. Toute destruction doit être suivie le plus rapidement possible d’une phase de reconstruction et d’assistance mettant en valeur l’action de l’armée et de l’Etat Afghans afin de légitimer le Gouvernement dans la population.

Proposition n°4 : Imposer d’éviter tout comportement de nature à accréditer le discours Taliban sur la « guerre de civilisations ». Par exemple, il faut proscrire toute atteinte à la laïcité du type de la très regrettable « diffusion de bibles » qui a eu lieu il y a quelques semaines.

Proposition n°5 : Donner la priorité à la communication à destination des populations sur le terrain en investissant davantage sur les modes de transmission traditionnels (« chouras », tracts parachutés dans la langue quotidienne, émetteurs radio sur courte distance, etc...) pour contrer le monopole des Taliban dans les villages les plus reculés.

Proposition n°6 : Convaincre davantage de pays de religion musulmane d’envoyer des troupes pour mieux démentir toute accusation de « croisade ».

Proposition n°7 : Poursuivre et amplifier « l’afghanisation » du conflit et accentuer l’effort de formation de l’Armée Nationale Afghane via les « Operational Mentor and Liaison Teams ». L’Union Européenne concrétiser rapidement ses engagements concernant l’envoi de gendarmes, afin de permettre la constitution d’un service de sécurité afghan adapté aux réalités des provinces rurales.

Proposition n°8 : S’assurer, par la délégation d’un très grand nombre d’observateurs, du caractère « libre et loyal » de l’élection présidentielle du 20 août prochain. La FIAS doit fournir leurs meilleurs efforts pour assurer la sécurité du scrutin. Nous suggérons le soutien de la France à la fondation afghane chargée de l’observation des élections, pour faire en sorte qu’elle ait des observateurs afghans dans tous les bureaux de vote. Pour promouvoir la liberté du vote des femmes, une Ligue des Femmes d’Afghanistan pourrait être subventionnée par l’Union Européenne.

Proposition n°9 : Rayer du langage officiel et diplomatique le concept de « taliban modéré ». Cette expression n’a pas de sens car elle n’a pas de traduction concrète. Nous suggérons de parler des "insurgés" : c’est à eux, dans leur diversité, que doit s’adresser le processus de réconciliation nationale.

Proposition n°10 : Réserver la participation au processus de réconciliation nationale, que nous jugeons indispensable pour solidifier les bases afghanes d’un règlement de paix, aux Afghans eux-mêmes, fût-ce par l’entremise d’une médiation extérieure comme la médiation saoudienne. La communauté internationale doit se borner à rappeler nos exigences minimales concernant les droits fondamentaux ou la démocratie. En particulier, nous devons être attentifs aux droits de la femme afghane comme en témoigne le triste épisode du vote de la loi chiite. Sans prétendre imposer des "standards occidentaux" nous devons affirmer le droit à l’éducation des jeunes filles afghanes.

Proposition n°11 : Dans le prolongement de la Conférence de Paris, créer un groupe de contact permanent comprenant tous les pays frontaliers de l’Afghanistan ainsi que l’Inde, ayant pour objet de traiter les sujets d’intérêt commun. Les premiers travaux de ce groupe porteraient sur la sécurisation des frontières et des douanes, la lutte contre le trafic de drogue et les infrastructures de transports de biens, de marchandises et d’énergie. A moyen terme, le groupe de contact aurait également pour objet de créer les conditions d’une meilleure transparence sur les arsenaux nucléaires et les forces militaires en présence dans la région, afin de prévenir le risque d’une attaque préventive et de limiter la course aux armements.

Proposition n°12 : Convoquer une Conférence régionale parrainée par des représentants des Etats-Unis et de l’Union Européenne pour définir précisément les conditions d’une paix durable en Afghanistan. Elle réaffirmera solennellement la neutralité de l’Afghanistan et le droit de ce pays au respect des principes de non ingérence et d’intangibilité de ses frontières. Cette conférence se réunira sur la base des travaux du groupe de contact réunissant les 6 pays frontaliers de l’Afghanistan, y inclus la Chine et l’Iran, ainsi que l’Inde et l’Arabie Saoudite. Les conclusions de la conférence régionale devront être ratifiées par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

Proposition n°13 : Tenir les engagements pris par le Président de la République pour l’aide de la France à l’Afghanistan. Nous nous réjouissons de ce point de vue du changement de cap impulsé par le Représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan, Pierre LELLOUCHE. Il faut pérenniser cet effort, notamment l’existence d’un dispositif interministériel de veille sur l’Afghanistan. Proposition n°14 : Achever dans les mois qui viennent le « blue book » de l’aide européenne, qui vise à recenser d’une manière exhaustive l’ensemble des aides européennes, qu’elles soient communautaires ou nationales. Confier à la Banque mondiale un audit de l’aide internationale.

Proposition n°15 : Afin de mieux contrôler son usage et sa destination de l’aide internationale, inscrire l’aide apportée par les bailleurs de fonds internationaux dans le cadre des priorités nationales définies par le gouvernement Afghan. Il est en effet essentiel de légitimer et de renforcer l’Etat Afghan.

Proposition n°16 : Maintenir l’écart des salaires entre la fonction publique afghane et les organisations internationales dans un rapport de 1 à 2 afin d’éviter la fuite des cerveaux vers les ONG et les organisations internationales. Engager la communauté internationale à doubler les salaires des cadres supérieurs de la fonction publique afghane sur cinq ans. Cet objectif devrait viser, en particulier, les forces de police afghanes dont la faiblesse des salaires explique en grande partie l’explosion des pratiques de corruption.

Proposition n°17 : Aider l’Etat Afghan à créer un institut régional d’administration pour former les Gouverneurs de province et les cadres territoriaux.

Proposition n°18 : Lancer une mission de l’Inspection Générale de l’Agriculture chargée de définir une action continue et concrète pour aider les agriculteurs à abandonner le pavot et pour étudier d’autres chantiers de développement rural qui doivent être lancés (micro-projets et politique d’ensemble) en s’adaptant concrètement à la réalité et la spécificité de l’agriculture de montagne afghane.

Proposition n°19 : Créer une seule ambassade regroupant l’antenne de la Commission et celle du Représentant spécial de l’Union européenne, qui dépend du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune. Le budget de l’Union Européenne consacré à l’aide civile et à la coopération avec l’Afghanistan et le Pakistan, doit faire l’objet d’un pilotage politique avec une capacité d’intervention rapide dans les situations de crise humanitaire.

Proposition n°20 : Offrir une assistance aux centaines de milliers de personnes déplacées par les conflits dans les zones tribales et de ne pas laisser le monopole des secours aux Taliban. L’Union Européenne doit prendre l’initiative d’un programme d’aide à l’éducation et au logement des sans abris. Il faut également insister auprès du haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies pour qu’il assure la scolarisation des enfants des millions de réfugiés en Iran et au Pakistan.

Proposition n°21 : Remplacer les références au « conflit d’Afghanistan » par celle de « conflit en Afghanistan et Pakistan » (en évitant la terminologie « Afpak », très mal ressentie par les peuples concernés) tant les deux pays sont liés dans ce drame et tant le « coeur du problème » est bien situé à la frontière des deux pays (la ligne Durand). De ce point de vue, la nomination du Représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan a apporté une amélioration notoire de l’action diplomatique de la France.

Proposition n°22 : Dénoncer publiquement la décision du gouvernement pakistanais concernant la vallée de Swat comme l’exact opposé de ce qu’il faut faire ; une régression inacceptable des droits et libertés fondamentaux. A l’inverse, doit être encouragée l’attitude plus claire de l’armée pakistanaise depuis quelques semaines visant à rétablir l’autorité de l’Etat dans cette région.

Proposition n°23 : Soumettre l’aide militaire internationale apportée au Pakistan à un régime de conditionnalité liée à son usage véritable. Les échanges entre nos armées et l’armée Pakistanaise doivent être intensifiés, notamment en ce qui concerne la formation des officiers supérieurs aux techniques de la guerre contre insurrectionnelle. La France doit également proposer son savoir-faire pour la sécurisation du nucléaire, militaire et civil.

Proposition n°24 : Adresser un message collectif et officiel "des amis du Pakistan" au gouvernement de ce pays pour l’avertir que son plus grand ennemi n’est pas, n’est plus l’Inde mais le terrorisme et qu’il est temps qu’il adapte sa stratégie militaire à cette nouvelle donne. En particulier, il est temps que ses services secrets, l’I.S.I., cessent leur double jeu vis-à-vis des taliban"

Proposition n°25 : Encourager la normalisation progressive des relations entre l’Inde et le Pakistan, en commençant par la coopération sur la lutte contre le terrorisme et la prévention d’un conflit nucléaire.

   
   
         
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