La Laïcité, mon engagement  
 

 

   
Séance à l’Assemblée Nationale- parité de financement des écoles publiques et privées

Mes interventions lors de l’examen du projet de loi Carle

 

Assemblée nationale XIIIe législature Deuxième session extraordinaire de 2008-2009 Extrait du Compte rendu Séance du lundi 28 septembre 2009 Interventions de Jean Glavany :

Parité de financement entre écoles publiques et privées pour l’accueil des élèves hors de leur commune de résidence

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany. M. Jean Glavany. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’histoire déjà longue et tumultueuse des relations entre l’État et l’enseignement privé, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 aura fait couler beaucoup d’encre et de salive. Permettez-moi, à ce stade de nos travaux, une simple remarque méthodologique pour en appeler à la sagesse collective. Tâchons d’éviter que des initiatives individuelles brouillonnes n’aboutissent à des dispositions législatives aux conséquences incommensurables, sans qu’aucune évaluation globale suffisante ait été entreprise. Hier, nous avons tiré un chèque de plusieurs centaines de millions d’euros sur les collectivités locales au profit de l’enseignement privé, après avoir permis qu’une secte soit récemment amnistiée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) M. Christian Vanneste. Ce n’est pas le même registre ! M. Jean Glavany. Mais c’est la même chose : les initiatives individuelles sans évaluation collective produisent les mêmes résultats. Depuis 2004, nous n’avons pas cessé d’alerter la majorité, l’Association des maires de France et le Gouvernement sur les conséquences dramatiques pour les communes, notamment les petites communes rurales, de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Je me souviens avoir défendu dans cet hémicycle, au nom du groupe socialiste, à l’automne 2007, une proposition de loi visant à abroger purement et simplement cet article. Que n’ai-je entendu alors ! D’après le porte-parole de l’UMP - il s’agissait de M. Guy Geoffroy -, les socialistes n’avaient rien de plus urgent à faire, en période de crise, que de raviver la guerre scolaire. En réalité, ils essayaient simplement d’appeler votre attention sur une disposition législative aux conséquences néfastes, pour pouvoir la corriger ensemble. Aujourd’hui, on la corrige, à l’initiative de l’Association des maires de France, dont le président, que je salue, avait pris l’engagement devant le bureau, il y a plusieurs années déjà, de tout faire pour cela. Vous pourriez donc me dire : « Vous devez être content, monsieur Glavany, l’article 89 est abrogé. On a pris conscience du problème. » Je suis content qu’il soit abrogé, même si je ne suis pas trop content de moi d’avoir mis tant d’années à vous convaincre - je pensais y parvenir plus vite. Et je suis content qu’on prenne enfin le problème à bras-le-corps. En même temps, je ne suis pas satisfait, pas plus que ne le sont mes collègues socialistes, qu’une fois de plus la droite prenne prétexte de cette rectification pour faire pencher le balancier du mauvais côté... M. Jacques Pélissard. Mais non ! M. Jacques Grosperrin. C’est quoi, le mauvais côté ? M. Jean Glavany. ...qui n’est pas celui de l’équilibre. Par ailleurs, depuis le début de la discussion, vous n’avez qu’un mot à la bouche, celui de parité. Ce mot, je le conteste formellement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et je le conteste d’abord du point de vue constitutionnel, car la Constitution ne protège pas la parité entre les groupes, elle protège l’égalité entre les citoyens. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est en raison de cet obstacle que nous avions dû, il y a quelques années, modifier la Constitution pour introduire la parité entre hommes et femmes. Cela devrait vous faire réfléchir. En effet, en raison de ce principe de parité, le dispositif que vous faites adopter aujourd’hui, monsieur le ministre, est fragile sur le plan constitutionnel. Y aura-t-il ou non un recours de la part des parlementaires ? Nous verrons. Mais il y en aura forcément un, et plus vite que vous ne le croyez, puisque désormais les citoyens peuvent demander devant les juridictions la saisine du Conseil constitutionnel, ce qu’ils ne vont pas manquer de faire. Et puisque vous ne tenez pas compte des avertissements que nous vous lançons à ce stade, je crains bien que nous ne soyons obligés de nous retrouver très vite pour corriger ce caractère anticonstitutionnel. Cette parité, je la conteste également dans ses modalités telles que vous les mettez en place. Mme Delaunay et M. Durand l’on dit : vous parlez de parité, mais vous vous gardez bien de la mettre en œuvre, notamment en ce qui concerne l’accord préalable du maire. Cet accord est requis pour le public, il ne l’est pas pour le privé : où est la parité ? Cette parité, je la conteste enfin comme l’a fait M. Desallangre en me référant au préambule de la Constitution de 1946 : « L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’État. » Mais pour remplir ce devoir, on fait preuve de plus ou moins de volonté politique. Et, monsieur le ministre, je vous ai déjà interpellé, aimablement, à ce sujet : vous remplissez ce devoir d’État à géométrie variable. Si vous donniez aujourd’hui à l’éducation nationale tous les moyens dont elle a besoin pour assumer cette tâche, (« Bien sûr ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) si la lutte contre l’échec scolaire était une vraie priorité, si le combat contre la reproduction des inégalités sociales et de la ségrégation par l’institution était mené efficacement, nous pourrions baisser la garde. Mais tout ce que nous voyons va dans le sens opposé. Cela nous inquiète beaucoup et nous rend extrêmement vigilants. Monsieur le ministre, pour faire face à ce devoir d’État, chaque responsable politique définit ses priorités. Le principe de parité va brider ceux d’entre eux qui voudraient donner la priorité à l’éducation nationale au nom de leurs convictions. Vous, vous faites l’inverse, vous favorisez l’enseignement privé. Lors de la dernière rentrée, vous avez supprimé un poste pour deux élèves dans l’enseignement public et un poste pour trois élèves dans l’enseignement privé. C’est cela que vous appelez la parité ? Il en va de même des créations de postes. Mme Michèle Delaunay. C’est la parité : une blanche vaut deux noires ! M. Jean Glavany. Cette année, le privé, avec 3700 élèves de plus, a bénéficié de la création de 93 équivalents temps plein, soit un poste pour 39 élèves ; le public, avec 59 700 élèves de plus, a eu 160 équivalents temps plein, soit un pour 357. M. Jacques Desallangre. C’est révélateur. M. Jean Glavany. C’est parce que, dans la gestion quotidienne, vous ne mettez pas en œuvre ce principe de parité que je conteste... M. Jacques Desallangre. Très juste. M. Jean Glavany.... que nous serons vigilants. Je le répète : nous nous retrouverons tôt ou tard pour corriger le dispositif anticonstitutionnel que vous mettez en place. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour un rappel au règlement. M. Jean Glavany. Monsieur le ministre, dans votre réponse aux orateurs inscrits dans la discussion générale, vous avez énoncé une contrevérité flagrante. J’en suis navré, parce que j’ai beaucoup, beaucoup de respect, comme je le disais tout à l’heure - et je ne voudrais pas que vous le preniez comme une attaque personnelle -, pour l’entreprise privée dans laquelle vous avez exercé vos responsabilités. C’est un grand groupe multinational, qui fait beaucoup de bien à l’économie française (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais il se trouve que cela vous a donné plus de compétences pour aider le privé que pour aider le public. M. Christian Vanneste. Cette remarque est parfaitement déplacée ! Mme Marie-Louise Fort. Ça veut dire quoi ? Qu’il faut être fonctionnaire pour être député ou ministre ? M. Jean Glavany. Cela dit, il va falloir que vous donniez un grand coup de règle sur les doigts de vos collaborateurs, qui vont ont fait faire une énorme bourde. Il se trouve que la décision du Conseil constitutionnel de 1994, je la connais bien. Je ne suis pas un très vieux parlementaire, mais je suis suffisamment ancien pour avoir mené bataille, avec quelques-uns ici, contre l’aggravation de la loi Falloux qui était portée à l’époque par M. Bayrou. Nous n’étions pas très nombreux, je m’en souviens. Je siégeais tout là-haut. J’ai mené cette bataille jour et nuit. Le recours devant le Conseil constitutionnel, je l’ai signé. Et j’étais d’ailleurs dans les rues de Paris, le 16 janvier 1994, avec beaucoup de mes amis - un million -, pour me réjouir de sa décision. C’est vous dire si je la connais, pour l’avoir suscitée et l’avoir espérée de toutes mes forces. Or le considérant 27, monsieur le ministre, dont vous avez dit tout à l’heure qu’il établissait le principe de parité, je l’ai ici sous les yeux. Il fait quatorze lignes. À aucun moment il ne mentionne le mot parité. Vos collaborateurs vous ont donc fait dire une grosse bêtise. Dans ce considérant, le Conseil constitutionnel affirme « que les aides allouées doivent, pour être conformes aux principes d’égalité et de liberté, obéir à des critères objectifs ». Il est bien question d’égalité ! Et cela change tout. Car si la Constitution protège l’égalité entre les citoyens, elle ne protège pas la parité. Dans la décision du Conseil constitutionnel, il n’y a pas le mot parité et vos collaborateurs n’ont pas le droit de manifester leur désapprobation. Quoi qu’il en soit, j’ai, je le répète, la décision sous les yeux : le mot parité n’y figure pas. Alors, qu’on ne nous provoque pas ici. Je vais à l’instant même vous remettre cette décision en mains propres, monsieur le ministre. Il n’y a pas le mot parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

amendement n° 18.

M. le président. La parole est à M. Jean Glavany. M. Jean Glavany. Monsieur Vanneste, cette question de liberté est une histoire sempiternelle. M. Christian Vanneste. Ça vous agace ? M. Jean Glavany. Il y a bien longtemps que vous ne m’agacez plus, mais là n’est pas la question. L’essentiel est d’avoir une confrontation d’idées et de convictions. Les libertés individuelles sont toutes respectables ; sauf lorsqu’elles ont une limite : la liberté collective. La République n’a jamais cessé de fixer des limites aux libertés individuelles, lorsqu’il y a au-dessus de celles-ci les libertés collectives et l’intérêt général. Monsieur Vanneste, à force de défendre les libertés individuelles, on arrive à des contradictions majeures. Je vais vous dire quelque chose que j’ai sur le cœur et que je n’ai jamais exprimé dans cet hémicycle. J’entends un certain nombre de parlementaires de la majorité - au nom de la liberté de conscience et parce qu’il ne faut surtout pas que les instituteurs puissent voir quelles sont les croyances de leurs élèves - dire, à juste titre, qu’il ne faut pas porter le voile à l’école. Ils ont raison, j’ai voté pour ce principe. Cependant, les mêmes parlementaires financent à tour de bras des établissements d’enseignement privés qui acceptent les jeunes filles portant le voile. À force de défendre les libertés individuelles, on arrive, monsieur Vanneste, à ce genre de contradictions, auxquelles il faut mettre aussi un terme. M. Christian Vanneste. Ce n’est pas une contradiction !

(L’amendement n° 18 n’est pas adopté.) Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe SRC. M. Jean Glavany. Nos débats ont été instructifs à plus d’un titre. Ils ont été sereins, ce dont nous pouvons tous nous réjouir (Sourires sur les bancs du groupe UMP) : personne n’a ravivé la guerre scolaire, ce qui peut pourtant démanger certains d’entre nous, sur tous les bancs de cet hémicycle. (« Ah bon ? » sur les bancs du groupe UMP.) M. Jacques Grosperrin. Vous êtes énervés ? M. Jean Glavany. Mais nous nous opposerons à ce texte, et je vais vous expliquer pourquoi. Certes, le texte montre que le Gouvernement et la majorité ont enfin pris conscience, au bout de cinq ans, des difficultés que posait à des centaines de milliers de communes l’application de l’article 89 de la loi du 13 août 2004. Il était temps ! Le texte résoudra, bon an mal an, une grande partie de ces problèmes ; c’est heureux. M. Frédéric Reiss, rapporteur. C’est vrai ! M. Jean Glavany. Deuxièmement, le texte abroge l’article 89, ce qui nous satisfait ; il eût fallu s’en tenir là, et les membres du groupe SRC l’auraient alors voté des deux mains. Pourquoi ne le ferons-nous pas ? Parce que vous allez remplacer cet article par un nouveau dispositif, qui, si j’ose m’exprimer ainsi, est « moins grave que si c’était pire » - moins grave que l’article auquel il se substitue -, mais dont les fondements idéologiques demeurent contestables. Nous les retrouvons du reste dans tous les débats sur ce sujet. Si j’y reviens, c’est que, au-delà du petit incident qui nous a tout à l’heure opposés à M. Chatel à propos de la décision constitutionnelle de 1994, ce débat entre parité et égalité est un débat de principes, qui nous a toujours opposés. Je m’amusais tout à l’heure à relire cette décision : je vous confirme, monsieur le ministre, que, si le point 27 ne cite jamais le mot de parité, celui-ci est mentionné au point 24, à la demande des requérants, qui considèrent que l’application du principe de parité viole le principe d’égalité, car il impose les mêmes responsabilités à des établissements publics et privés, alors que les contraintes qui pèsent sur eux ne sont pas les mêmes. C’est toujours la même histoire - comme pour les cliniques privées et les hôpitaux publics : on charge la barque du public sans lui donner les moyens du privé, et on donne des moyens au privé sans lui imposer les mêmes contraintes qu’au public. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous pouvez dire ce que vous voulez : c’est toujours la même chose, toujours le même débat ! Et vous le menez toujours au son de cette sempiternelle rengaine de la liberté dont M. Vanneste nous a abreuvés tout l’après-midi. M. Christian Vanneste. C’est un mot qui vous révulse ! M. Jean Glavany. Parfaitement, monsieur Vanneste, il me révulse parfois ! M. Christian Vanneste. Mais c’est l’un des deux piliers de la République ! En le critiquant, c’est la République que vous critiquez, et vous montrez ainsi que vous êtes un mauvais républicain ! M. Régis Juanico. Oh là là ! M. Jean Glavany. Vous devriez regarder devant vous plutôt que de vous indigner ainsi ! Oui, monsieur Vanneste, il me révulse quand c’est au nom de la liberté individuelle que des femmes demandent à porter la burqa (Approbation sur les bancs du groupe SRC),... M. Christian Vanneste. Quelle caricature ! M. Jean Glavany. ...cette burqa que vous allez probablement interdire dans l’espace public, mais qui sera autorisée dans les établissements privés que vous financez, au nom de la liberté religieuse ! Mme Bérengère Poletti. N’importe quoi ! M. Jean Glavany. Le voile est bien autorisé dans les établissements privés, madame ! M. Jacques Lamblin. Sous contrat ! Vous oubliez toujours cette précision ! M. Jean Glavany. Qui recrute les jeunes filles qui portent le voile et ne veulent plus fréquenter les établissements publics ? Cette croisade pour la liberté, nous vous voyons la mener depuis des années. Le principe de parité est pour nous anticonstitutionnel et antirépublicain. Le seul principe qui compte, c’est le principe d’égalité des citoyens, et non de parité entre les groupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) M. Christian Vanneste. Ce sont les deux, et vous les refusez à l’enseignement privé ! M. Jean Glavany. Vous mélangez tout, monsieur Vanneste, et je suis heureux de ne pas être d’accord avec vous, étant donné les positions que vous avez prises dans cet hémicycle ! M. le président. Monsieur Vanneste, si vous continuez, je vais devoir accorder une minute supplémentaire à M. Glavany. Ce serait dommage ! M. Jean Glavany. Je n’en aurai pas besoin ! C’est parce que nous sommes ancrés à ce principe républicain d’égalité - et non de parité - que nous ne pouvons accepter le dispositif que vous instaurez. Je l’ai dit tout à l’heure : nous ne faisons que reculer pour mieux sauter. M. Christian Vanneste. Non, nous avançons ! M. Jean Glavany. En effet, nous sommes convaincus que ce texte ne résistera pas à l’épreuve des faits constitutionnels, qu’il fasse ou non l’objet d’un recours de la part de parlementaires : vous avez pris dans ce domaine une mesure dont nous nous réjouissons, et nous avons voté pour la loi qui l’applique. Plusieurs députés UMP. Chantage ? M. Jean Glavany. Non, c’est la réalité ! Nous avons ainsiposé le principe de l’ouverture du recours constitutionnel à tous les citoyens qui estimeraient qu’une loi est anticonstitutionnelle. Ne vous faites aucune illusion : les recours sont prêts un peu partout à travers la France. Il ne s’agit aucunement d’un chantage. Faute de nous avoir entendus cet après-midi, vous serez confrontés à la fragilité de votre dispositif sur lequel nous serons obligés de revenir d’une manière ou d’une autre. Nous avons perdu du temps - après tout, nous en avions perdu beaucoup auparavant -, et si nous vous avons convaincus de la nécessité de revenir sur le dispositif de 2004, nous ne vous avons pas convaincus d’abandonner ce satané principe de parité en faveur du principe d’égalité. Nous voterons donc contre cette proposition de loi, prêts à poursuivre le débat avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

   
   
         
© 2005 Jean Glavany
Site réalisé avec SPIP