Les questions du député  
 

 

   
projet de loi de finances 2010 « Action extérieure de l’Etat »

Intervention de Jean Glavany ; Assemblée Nationale, mardi 3 novembre 2009

 
Un bruit court dans les couloirs de cette assemblée, une rumeur s’est emparée de cet hémicycle, une nouvelle qui, paraît-il, pourrait bientôt être officielle et révolutionnerait sans doute l’Assemblée nationale : on aurait revalorisé les droits du Parlement ! Il y aurait, face à l’hyper-Président, un hyper-Parlement ! On annonce même sur tels ou tels bancs - si vous voyez ce que je veux dire - la naissance, sous x, d’un nouveau-né : la coproduction législative ! Bref, les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif seraient rééquilibrés, le Parlement serait mieux écouté et le débat plus libre, car d’égal à égal. Cela, c’est le mirage d’une révision constitutionnelle qui n’aura, finalement, convaincu que quelques naïfs. La réalité est tout autre. Je ne reviendrai pas sur les difficultés inadmissibles rencontrées par le rapporteur François Rochebloine, qui les a remarquablement exposées tout à l’heure ; il l’a fait plus en détail devant la commission et a été largement approuvé dans son mécontentement. Je vais revenir sur les propos tenus par mon excellent collègue et ami Jean-Michel Boucheron sur l’Afghanistan.

Nous sommes en guerre là-bas depuis huit ans, et nous n’en parlons pas dans cette enceinte.

Nous avons 3 300 hommes qui se battent sur place, dans des conditions difficiles, sinon dramatiques, et nous n’en parlons pas ici. Pour être honnête et précis, nous en avons parlé il y a un an dans cet hémicycle, mais, depuis lors, rien ! Or, entre-temps, il s’est vraiment passé beaucoup de choses en Afganistan : une année de guerre - ici et en commission, on ose employer le terme, ce qui n’est pas le cas du ministre de la défense -, la plus meurtrière de ces huit années de guerre. Cela prouve que les choses ne s’arrangent pas, pour employer une litote ; mais nous n’avons pas le droit d’en parler devant le Parlement. Le dispositif militaire a changé deux fois en un an : une première fois il y a environ un an, après l’élection de Barack Obama, qui a mis en place une stratégie militaire en rupture avec celle de son prédécesseur et, suivistes, nous n’en parlons pas ; une autre fois il y a quelques semaines, lorsque nous avons cédé le commandement de la région de Kaboul et concentré nos forces en Kapisa, mais la représentation nationale n’a pas le droit d’en être informée. Un formidable débat public a lieu aux États-Unis, qui oppose le vice-président Joe Biden et une partie du parti démocrate aux généraux de l’état-major et à Mme Clinton, à propos d’une éventuelle révision stratégique.

Ce débat envahit tous les médias outre-Atlantique et même en Europe, y compris en France, sauf au Parlement.

Apprendrons-nous la mise en place d’une nouvelle stratégie militaire prenant acte, par exemple, de l’impossibilité de sécuriser l’ensemble du territoire afghan et le repli des forces de l’ISAF sur les grandes zones urbaines en lisant les comptes rendus des débats des parlements des pays voisins ? Cela ne vaut pas que pour la stratégie militaire. Il paraît que la diplomatie française aurait agi et fait pression pour qu’il y ait un deuxième tour à l’élection présidentielle afghane et que l’on reconnaisse les fraudes. Est-ce exact ? Ici, nous n’avons pas le droit de le savoir. Il paraît que la diplomatie française pousserait à un accord politique entre le président Karzaï, probablement réélu, et son principal opposant, M. Abdullah Abdullah. Est-ce exact ? Pourquoi le Parlement n’en serait-il pas informé ? Bref, je vais m’arrêter là, car je pourrais dresser la liste des choses qui changent de jour en jour en Afghanistan sans que l’on n’en parle jamais dans cet hémicycle, alors que nos soldats sont engagés là-bas.

Je veux le dire simplement et solennellement : le Parlement n’est à ce point tenu à l’écart dans aucune démocratie digne de ce nom dont des forces militaires seraient engagées dans une guerre.

On atteint même le ridicule et le choquant, le grotesque absolu, lorsque le président du groupe socialiste s’adresse au Premier ministre pour demander et exiger ce débat et que ce dernier répond : « Si vous le voulez, vous pouvez le faire, dans l’une de vos niches parlementaires ! » C’est proprement ahurissant : on est en guerre, mais on ne pourrait en parler ici que si l’opposition le fait sur son temps de parole. J’en ai fini, monsieur le ministre. Cette situation est choquante, inacceptable. Nous souhaitons que le Gouvernement y mette enfin un terme.
   
   
         
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