Mon agenda  
 

 

   
Paris, 27 novembre 2010 - Intervention de J.Glavany lors de la journée de travail sur "Education, le défi de l’égalité"

Les 4 grands enjeux du système éducatif

 

Les 4 grands enjeux du système éducatif

Pas facile en quelques minutes d’introduire un si vaste débat, un sujet si essentiel à l’avenir de notre société. Pour faire vite, il faut faire synthétique, on m’en pardonnera j’espère. Il faut donc prendre le risque de ne pas être exhaustif. Je prends ce risque. J’ai donc essayé de définir les grandes lignes des enjeux auxquels est confronté notre système éducatif. Et de les classer autour de 4 grands thèmes.

1er enjeu - L’enjeu des valeurs philosophiques et politiques :

Souvenons-nous de Condorcet qui disait : « un peuple d’ignorants est un peuple d’esclaves » Pour lui, pour nous, l’émancipation de l’individu, je dis bien l’individu, passe d’abord par l’éducation, la formation. Mais l’individu émancipé et libre dans la société et non pas l’individu replié sur l’individualisme et l’égoïsme... Pour Condorcet, comme pour nous, le concept d’instruction publique a pour fonction philosophique d’assurer l’articulation entre la souveraineté populaire et la légitimité des décisions issues de cette souveraineté. Elle doit former l’homme et le citoyen, développer sa capacité de jugement et son autonomie, et donner ainsi au régime sa pleine légitimité, puisque chaque citoyen sera en mesure d’exprimer sa volonté personnelle en toute connaissance de cause. Puisque j’ai choisi d’être synthétique, je survole l’histoire et franchis allégrement le siècle qui sépare la période révolutionnaire à celle de la IIIème République. Après Condorcet, je cite donc Jaurès et sa lettre aux instituteurs : Je l’aie relue pour préparer cette journée, et je la trouve d’une formidable actualité ! Ecoutez : « Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie. Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire et à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confère, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin, ils seront hommes et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de toutes nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fierté unie à la tendresse. »

J’en finis avec ce premier enjeu. Celui des valeurs. Il est essentiel. Il m’amène à dire que Condorcet et Jaurès ne sont pas démodés. Il m’amène à dire que la Gauche doit être le parti de l’Education. C’est dans son patrimoine génétique. Alors il faut qu’elle l’exprime !

2ème enjeu - L’enjeu économique et social

Et commençons par l’enjeu social, celui de l’exclusion, avec les 120 000 sorties annuelles du système éducatif sans qualification. Ça c’est la priorité des priorités.. Pour en parler je voudrais revenir sur deux expériences personnelles vécues dans mon engagement politique :  d’abord comme Secrétaire d’État à l’Enseignement Technique dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy. J’ai découvert un système à broyer l’échec scolaire : des jeunes commençant par le CAP ou le BEP, poursuivant par un bac PRO puis un BTS avant de boucler leur cursus dans une école d’ingénieurs !! J’en suis d’accord, c’était et c’est toujours une infime minorité. Mais une minorité exemplaire. Et significative d’une capacité. Et, en même temps, un enseignement - l’enseignement technique, l’enseignement professionnel - tellement méconnu et, donc, tellement décrié. Sa révolution « copernicienne » comme dit Richard Descoings reste à faire. Ce n’est plus une question de moyens car les Régions ont fait un formidable effort de modernisation et d’équipement de ces établissements. Comment faire ?  L’autre expérience concerne mon combat pour installer dans les Hautes Pyrénées, un centre de formation d’une grande multinationale des services aux collectivités... Vous savez, ces sociétés qui font aussi bien de l’eau que de l’assainissement, des transports, de l’énergie ou du traitement des déchets. Pourquoi me suis-je battu pour obtenir l’implantation de l’un de ces centres de formation et affronter aussitôt quelques critiques d’acteurs du service public.. ? D’abord, bien sûr, parce que pour mon petit coin des Pyrénées, accueillir une « vitrine » d’une société de 300.000 salariés dont 200.000 à l’étranger, ça ne peut pas faire du mal... Mais aussi parce que cette société accueille dans ces centres ces jeunes sortis du système éducatif sans qualification. Une sorte d’école de la 2ème chance. Enfin, et surtout parce qu’à l’issue de leur formation qualifiante, l’entreprise offre un CDI, oui, 1 CDI à chaque jeune formé. Pourquoi vous racontai-je cet exemple ? Parce que pour moi, tout est bon pour sortir un jeune exclu du système éducatif sans qualification. Pour l’aider à le remettre sur les rails. Pour lui redonner sa chance.

J’ai dit « enjeu économique et social » et je veux dire un mot maintenant de L’enjeu économique A la Commission des Affaires Étrangères de l’Assemblée, nous avons reçu il y a quelques semaines Pascal LAMY qui a évoqué les trois « caractères propres » de l’Europe : une démographie stable ou en déclin, handicap dont on connaît la réponse, l’immigration, sans jamais l’assumer. Deuxièmement, des systèmes sociaux parmi les plus élaborés et, donc, les plus coûteux qui seront menacés à terme si nous ne luttons pas contre les déficits. Enfin une croissance plus faible que dans les autres régions du monde. La solution tout le monde la connait : l’investissement dans la formation et les technologies. Investir dans la connaissance est le meilleur investissement d’avenir. Dernier aspect de l’enjeu économique et social : l’enjeu des métiers On peut aussi l’appeler l’enjeu de l’insertion professionnelle. Je pourrais vous faire part d’une troisième expérience de ma déjà longue vie politique celui de l’enseignement agricole. Voilà un enseignement qui réussit ! Qui réussit même très bien !! Avec un taux d’insertion professionnelle exceptionnel dans les 6 mois qui suivent la fin de la scolarité. On ferait bien d’y regarder de près. D’ailleurs, j’avais confié au regretté René REMOND un rapport sur les leçons que l’Éducation Nationale pourrait tirer, pour ses lycées, des succès de l’enseignement agricole. Ce rapport lui aussi reste d’actualité

3ème enjeu - L’enjeu des moyens

 : on a dénoncé « le plus grand plan social » de ces dernières années dans l’Éducation Nationale. Et on a bien fait. Mais demain ? Demain si l’on retrouve la responsabilité gouvernementale, on trouvera aussi et surtout une situation des finances publiques tellement dégradée qu’il faut être ambitieux... et raisonnables ! Raisonnablement ambitieux ou ambitieusement raisonnable. Cela veut dire quoi ? Qu’il faut se fixer des priorités. Dire par quoi on commencera. Et c’est pourquoi j’en ose deux devant vous : l’École primaire et l’université. L’École primaire parce que tout commence là et que si la 1ère pierre est défaillante, c’est tout l’édifice qui vacille. Et dîtes-moi, si l’on constate tant de lacunes chez nos élèves à l’entrée du collège, n’est-ce pas que l’école primaire défaille ? L’université ensuite parce que toutes les comparaisons internationales montrent que l’effort de la nation en euro par étudiant est, en France, l’un des plus faibles des pays développés.

Enfin, 4ème enjeu - L’enjeu laïque

Eh oui ! Je finis par le meilleur... revenant là par où j’ai commencé, la philosophie et la politique, la philosophie politique. Je suis convaincu que l’un des problèmes majeurs de notre République en ce début de 21ème siècle, est une fois de plus, de retrouver l’équilibre entre notre diversité et notre unité. Entre nos différences qui nous enrichissent et ce qui nous permet de les dépasser dans la République.

La Laïcité est la réponse à cette exigence. Une laïcité qui n’a point besoin d’adjectif : ni ouverte, ni positive, ni ferme ni je ne sais quoi... Elle est la laïcité, c’est tout, pilier fondamental de la République. Et cette laïcité, fondatrice du « vivre-ensemble » dans la République, elle se construit à l’école. Parce que c’est là qu’on apprend - ou qu’on devrait apprendre - la morale laïque, parce que c’est là qu’on apprend - ou qu’on devrait apprendre - que la citoyenneté est faite d’autant de droits que de devoirs, parce que c’est là qu’on acquiert des repères moraux et qu’on apprend à être libre par l’apprentissage de l’esprit critique. Cet enjeu là est pour moi essentiel. C’est celui de la laïcité. C’est pourquoi, reprenant l’affirmation d’un Président de la République à Latran, affirmation qui avait tant choqué, je la renverse en conclusion, en utilisant les mêmes mots que lui - à un ou deux détails près - pour exposer une philosophie opposée :

« Dans la transmission des valeurs et l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur sera toujours supérieur au pasteur et au curé, dont il n’est d’ailleurs pas besoin de s’approcher, parce qu’il aura toujours la radicalité du dévouement à l’émancipation des jeunes qui lui sont confiés et le charisme d’un engagement porté par l’intérêt général qui dépasseront toujours la cause bien individuelle et privée - aussi respectable soit-elle de la sauvegarde de l’âme »... *** Mesdames et Messieurs, Chers amis, Comme toujours, comme souvent avec le Président Sarkozy, les choses commencent avec un constat d’évidence : avec la mondialisation avec les excès du libéralisme économique, avec les dérégulations outrancières - « dérégulation, destruction des règles », avec l’irruption des nouvelles technologies de communication, avec la dictature des médias qui imposent le diktat du spectaculaire, de l’émotionnel, de l’instantané, avec le triomphe de l’argent-roi, de la combine et du succès facile, les citoyens sont paumés. Ils sont en quête de sens, ils ont besoin de repères, ils aspirent à quelque chose d’indéfinissable qui les tire vers le haut. Sarkozy et les siens trouvent dans les religions la réponse toute faite à cette aspiration. Et nous, la Gauche, nous devons relever ce défi, qui sonne comme un défi presque spirituel. D’où l’indispensable, l’incontournable nécessité de la morale laïque. N’est pas la première mission du système éducatif ?

   
   
         
© 2005 Jean Glavany
Site réalisé avec SPIP