La Laïcité, mon engagement  
 

 

   
Proposition de résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité et à la liberté religieuse

Intervention de Jean Glavany - Assemblée Nationale- 31 mai 2011

 

Assemblée nationale - XIIIe législature - Session ordinaire de 2010-2011- Compte rendu intégral Première séance du mardi 31 mai 2011 Proposition de résolution sur l’attachement au respect des principes de laïcité et à la liberté religieuse

INTERVENTION DE Jean GLAVANY

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues. Je veux d’abord dire, en ouverture de ce débat, que le groupe socialiste est toujours disponible pour parler de laïcité, dans cet hémicycle comme ailleurs. C’est le cas depuis plus d’un siècle. Je ne vais pas rappeler que ce sont des socialistes et des radicaux qui ont inventé la laïcité à la fin du XIXe siècle, à l’époque contre la droite, même si vous avez sans doute eu le temps de changer. Nous, socialistes, parlons de la laïcité à chacun de nos congrès, à chacune de nos conventions, à chacune de nos rencontres et dans tous nos textes. Nous sommes donc toujours disponibles pour en parler. D’ailleurs, vous avez même rendu hommage, monsieur Copé, à des rencontres que nous organisons régulièrement à l’Assemblée .Je vous remercie d’y avoir prêté attention. Ce débat est important, je vous rejoins sur ce point. Encore faut-il que, les uns et les autres, nous nous respections, que nous respections la parole, la pensée et les écrits, les méthodes et les comportements de chacun. En particulier, il ne faut pas être dans la caricature, comme s’il y avait, du côté de l’UMP, nouvellement convertie à la laïcité, la lumière et, du côté des socialistes et de la gauche, qui ont inventé la laïcité et qui y travaillent depuis un siècle et demi, l’ombre. Monsieur Copé, si vous aviez eu le courage ou la curiosité de regarder les propositions de loi déposées par le groupe socialiste, vous auriez trouvé la proposition de loi n° 710 - je vous la ferai livrer tout à l’heure, par porteur - qui répond à l’essentiel des questions que vous avez posées. Ne soyez donc pas dans la caricature. Cette proposition de loi apporte des réponses précises là où vous ne faites souvent que poser des questions. Dans le même ordre d’idées, je vais vous dire, monsieur Copé, ce que j’ai sur le cœur, s’agissant de l’allusion que vous avez faite à propos de Martine Aubry et de Tariq Ramadan, que je trouve très nauséabonde. Tout d’abord, quand on signe une pétition - cela a dû vous arriver, monsieur Copé -, on ne vous donne pas la liste des signataires. Ensuite, dès que Martine Aubry a su qui était sur cette liste, elle a retiré sa signature. Voilà qui ôte à votre attaque une large part de son bien-fondé. Mais je voudrais ajouter ceci :Dans la mission d’information parlementaire présidée par M. Gerin et dont M. Raoult était le rapporteur, on nous a dit un jour qu’il fallait recevoir M. Ramadan. Les socialistes sont les seuls à s’y être opposés, tandis que l’UMP exigeait que M. Ramadan eût les honneurs de l’Assemblée nationale ! M. Ramadan est donc venu et, devant la mission d’information, le seul qui lui soit rentré dans le chou, si vous me permettez cette expression triviale, c’est moi ; Jacques Myard en est témoin. Je lui ai dit qu’il ne méritait pas l’honneur que l’Assemblée nationale lui faisait. Et qui m’a insulté au prétexte que je portais atteinte à la liberté d’expression de M. Ramadan ? Les députés UMP présents ! Oui, monsieur Copé ! Je vous dis les choses telles qu’elles se sont passées. Cela devrait vous inciter à un peu plus de mesure, de modération et de raison.

J’en viens maintenant à cette résolution, et tout d’abord à son contexte parlementaire.

M’exprimant avec ma franchise et ma spontanéité, j’ai remarqué depuis quelque temps certains mouvements autour de nos travaux. Ainsi, la loi bioéthique dont parlait tout à l’heure Alain Claeys, avec la hauteur de vue, la maîtrise du sujet et la rigueur intellectuelle qu’on lui connaît, a été l’occasion, pour certains lobbies et groupes religieux, d’agir en vue d’empêcher des évolutions législatives pourtant indispensables non seulement aux progrès de la science, mais aux droits de nos concitoyens. Je me souviens des réactions de certains députés UMP, comme Mme Barèges - je sais que vous l’avez désapprouvée -, à une proposition de loi de M. Bloche visant à autoriser les mariages entre personnes du même sexe. Je n’ose répéter à la tribune les propos qu’elle a tenus pour défendre les valeurs judéo-chrétiennes ! Aujourd’hui, avec cette proposition de résolution, je ne peux m’empêcher de sentir qu’une offensive idéologique s’exprime à travers nos débats. Je le dis parce que je le ressens ainsi, et je ne suis pas le seul. Contexte plus politicien maintenant, celui de la convention UMP, mais je serai bref sur ce point. La personne qui s’est le mieux exprimée dans cet hémicycle sur ce qui devait être une convention contre l’islam...et qui est devenue une convention à la recherche de la laïcité, c’est M. de Charrette, qui a dit ici ce que ressentaient fortement tous les républicains. M. Fillon lui a d’ailleurs répondu d’une manière assez irréprochable. C’est ce contexte et cette convention qui ont évolué, et dont nous voyons aujourd’hui la queue de la comète. Une proposition de résolution n’étant pas amendable, on nous a dit que c’était à prendre ou à laisser. Nous nous sommes donc adressés au groupe UMP, comme nous l’avions déjà fait, pour le texte sur le voile intégral, qui avait fait également l’objet d’une proposition de résolution. Comme nous n’avions pas le droit de l’amender, nous vous avions demandé de modifier le texte au moins sur un point, pour pouvoir le voter. Vous aviez donné votre accord et nous l’avions adopté à l’unanimité. Nous avions voté cette proposition de résolution. Cette fois, nous avons fait la même chose : M. Ayrault et moi-même avons dit à Christian Jacob que nous étions prêts à discuter avec lui pour modifier ce texte. Mais on nous a répondu : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » C’est pourquoi, monsieur Jacob, lorsque vous déclarez, dans une dépêche AFP, que les socialistes sont dans la posture...Ce n’est pas vrai ! C’est un mensonge et je suis obligé de le dire : nous vous avons proposé le dialogue, mais vous l’avez refusé. C’est pour cette raison qu’il n’y aura pas de consensus républicain.

J’en viens au fond, car c’est le plus important.

Nous ne voterons pas ce texte, d’abord parce qu’il comporte des ambiguïtés, s’agissant de la loi de 1905. Cela étant, je reconnais que M. Guéant les a levées, pour partie, dans son intervention. Alors que votre texte propose d’aménager les conditions de financement, M. Guéant apporte la précision suivante : « sans qu’il soit question de remettre en cause la loi de 1905 ». Pourquoi ne l’inscrivez-vous pas dans la proposition de résolution ? Avec « l’amendement Guéant », si je puis me permettre, monsieur le ministre, nous serions d’accord sur ce point. Vous parlez, par ailleurs, d’exercice de codification. C’est une question dont nous pouvons parler ici, car il y a quelques juristes parmi nous. Quelques parlementaires se sont attachés à cet exercice de codification dans différents domaines. De deux choses l’une : soit il s’agit d’un véritable exercice de codification qui consiste à remettre le droit à plat, de façon à en expurger tout ce qui est dépassé, et cela signifie une remise en cause de la loi de 1905 ; soit il s’agit d’un recueil ou d’une compilation et, dans ce cas, si « l’amendement Guéant » - pardonnez-moi, monsieur le ministre - figurait dans la proposition de résolution, nous pourrions la voter. Après avoir évoqué ces deux ambiguïtés,... J’en viens au principal. Le principal, c’est cette satanée expression de liberté religieuse ! Permettez-moi de commenter le titre de votre proposition de résolution : « Attachement au respect des principes de laïcité, fondement du pacte républicain » : jusqu’ici, tout va bien. Je continue : « et de liberté religieuse ». Mes chers collègues, pourquoi croyez-vous que le principe de liberté religieuse n’a jamais été intégré dans le droit républicain et laïque alors que c’est une vieille revendication de l’église catholique depuis 1905 ? Je ne vous fais pas un procès d’intention. Ce que je vais vous dire va peut-être vous choquer, mais le principe de liberté religieuse est aussi une revendication de l’église de scientologie. Vous ne le saviez peut-être pas, mais c’est bel et bien une revendication de l’église de scientologie. C’est la vérité ! Et si les républicains ont refusé cette revendication, c’est que la liberté religieuse n’est pas un droit universel. Pourquoi les républicains n’ont-ils jamais donné droit à cette revendication ? Parce que la liberté religieuse, c’est, certes, la liberté de croire. Mais il y a une autre liberté, c’est celle de ne pas croire, d’être athée ou agnostique. Les républicains ont inventé le merveilleux concept de la liberté de conscience, qui englobe la liberté religieuse et la liberté de ne pas croire. Si vous réduisez le débat à la liberté religieuse, vous amputez la liberté de conscience. C’est ce qu’ont toujours affirmé les républicains. Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais il en est ainsi ! C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas souscrire au principe de liberté religieuse. Je vous donne un seul exemple, monsieur Copé : imaginez un jour la gauche au pouvoir. Imaginez qu’un jour, un ministre, dans un texte, propose la liberté de penser à gauche dans l’hémicycle ! Vous hurleriez et vous objecteriez, à juste titre, que l’on a le droit de penser à droite ou au centre. Voilà pourquoi les républicains ont inventé ce merveilleuse concept de liberté d’opinion : pour ne pas disséquer la liberté individuelle. C’est la même chose avec la liberté de conscience.

Nous voterons contre ce texte, car il est contraire à la loi de 1905.

Ce n’est pas un texte laïque, car il ne s’arrête pas à la liberté de conscience ; il veut imposer un concept de liberté religieuse qui a toujours été repoussé par les républicains et les laïcs. J’en termine, monsieur le président. Monsieur Copé, vous avez dit être disponible pour lutter contre tous les intégrismes. Chiche ! Car le problème est là. La laïcité n’a jamais été un combat contre les religions. La preuve en est que la loi de 1905 « garantit le libre exercice des cultes ». En revanche, elle est un combat contre les intégrismes et les fondamentalismes religieux, de toutes les religions. Si vous voulez lutter contre les intégrismes religieux, souscrivez donc à la proposition de loi que le groupe SRC vient de déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale, afin de créer une commission d’enquête parlementaire sur les dérives intégristes de certains établissements d’enseignement privé auprès de certains jeunes. Dans toutes les religions, il y a des dérives intégristes et l’Assemblée nationale, la République et l’État feraient bien d’aller voir de quoi il retourne. Car il s’agit, en l’occurrence, d’attaquer la conscience des plus fragiles d’entre nous, c’est-à-dire nos enfants. Nous sommes toujours disposés à parler de la laïcité et à la défendre en tous lieux. C’est parce que votre proposition de résolution n’est pas de philosophie laïque et qu’elle est contraire à la loi de 1905 que nous voterons contre. Mais nous resterons disponibles pour d’autres occasions.

   
   
         
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